Yves Thréard sur Marine Le Pen : « moins elle en dit, plus elle ramasse ! »
Publié le 12.07.2023
INTERVIEW/VIDÉO - Le directeur adjoint du Figaro garde un œil sur Marine Le Pen. Silencieuse, l’ancienne présidente du Rassemblement national « risque de progresser semaines après semaines », selon Yves Thréard. Lassé de voir Emmanuel Macron s’empêtrer dans des crises successives, il a donné son avis sur le discret Laurent Wauquiez et le clivant Jean-Luc Mélenchon.
« Vous savez, on dit volontiers qu’Emmanuel Macron aime être le maître des horloges », lance Yves Thréard. « Mais il n’a jamais été le maître des horloges puisqu’il n’a eu a gérer que des crises tout à fait imprévisibles ! ». Le ténor du Figaro affiche le fait que, selon lui, le président de la République, depuis 2017, est resté en réaction face aux évènements qui n’ont eu de cesse de secouer ses mandats.
« Les gilets jaunes, personne ne les avait prévu, le coronavirus, personne ne l’avait prévu. Bon, la réforme des retraites, il est un peu responsable quand même ! », ironise-t-il. « La guerre en Ukraine, personne ne voulait croire que la Russie de Poutine allait envahir l’Ukraine… et puis maintenant les émeutes ». Des violences urbaines qui font suite à un drame « qui n’était absolument pas dans les logiciels non plus », commente le journaliste. « Un gamin qui s’est fait tuer par un flic alors qu’il circulait à bord d’une voiture ». Une crise s’achève, une autre démarre. Retour à la case départ.
« Jean-Luc Mélenchon est plus que jamais remis en question »
« Je crois que la gauche est en train de prendre un virage », s’inquiète Yves Thréard, qui considère que les émeutes ont accéléré une potentielle scission au sein de la NUPES. « La gauche est en train de se poser une question, elle est en train de se fracturer. Et Jean-Luc Mélenchon, qui avait été l’homme qui avait réussi à sauver la gauche de la profondeur des eaux, est aujourd’hui plus que jamais remis en question. Je me demande si son avenir n’est pas un peu compromis », s’interroge Yves Thréard. « Parce qu’il a eu une attitude, des mots, des phrases et des commentaires sur ce qui s’est passé avec ces émeutes qui ont été loin de faire l’unanimité dans le camp de la gauche, au sein de la NUPES ». Pour notre Observateur de l’actualité, Jean-Luc Mélenchon « est un peu l’homme qui est en train de faire déborder le vase de la gauche ».
Laurent Wauquiez ou le rendez-vous manqué
Si Jean-Luc Mélenchon s’exprime trop, Yves Thréard s’étonne de l’absence d’une voix parmi les rangs de la droite. Celle de Laurent Wauquiez, d’ores et déjà annoncé par Éric Ciotti comme le candidat des Républicains pour l’élection présidentielle de 2027. « Laurent Wauquiez ne s’est pas du tout fait entendre lors de la controverse des retraites, et là, il ne se fait pas beaucoup plus entendre avec les émeutes ! ». Le directeur adjoint du Figaro remarque que le futur candidat « a du mal à se positionner ». « On voit qu’il a du mal à prendre l’ascendant sur son camp alors que tout le monde l’attend à droite. Tout le monde l’attend mais il a bien du mal à exister ».
Marine Le Pen en embuscade
Un Mélenchon bruyant, un Wauquiez muet. Une troisième personnalité politique aurait cependant adopté le bon ton, selon Yves Thréard. « Il y en a une qui a été silencieuse, mais ce n’est pas pour autant qu’elle a été inaudible, c’est évidemment Marine Le Pen », explique-t-il. Selon lui, « moins elle en dit, plus elle ramasse ! » L’ancienne présidente du Rassemblement national n’a effectivement « pas dit grand chose sur la réforme des retraites, elle n’a pas dit grand chose sur ce qui se passe en ce moment avec la ‘révolte des casseurs’. Et pourtant, elle engraine, on voit que c’est elle qui ramasse les marrons du feu ». Laisser les autres s’avancer et faire les erreurs à sa place, « une stratégie osée » qui semble payer pour la cheffe de file des députés RN.
C’est une posture « énigmatique mais une posture qui réussit », ajoute le journaliste du Figaro qui observe ce changement d’approche avec autant de surprise que d’inquiétude. « La droite populiste, que certains qualifient d’extrême, c’est une droite qui, généralement, est très tapageuse, qui fait beaucoup de bruit », décrit le journaliste. « Elle fait tout le contraire, elle est très silencieuse et ça a l’air de lui réussir ». « Il faut surveiller Marine Le Pen, ça c’est clair », conclue-t-il, visiblement préoccupé. « Elle risque de progresser semaine après semaine, mois après mois ».
Son interview en vidéo
Photo : DR