Corinne Lepage sur son poste de ministre : « j’ai toujours considéré que c’était beaucoup de charges, beaucoup de devoirs et aucun droit »

Rédigé par Quentin LEPORT
Publié le 29.08.2022
INTERVIEW/VIDÉO - L'ancienne ministre de l’Environnement de 1995 à 1997, sous la présidence de Jacques Chirac, Corinne Lepage a trouvé sa nomination « tellement surprenante » qu'elle en était « stupéfaite ». Elle a également dévoilé les missions qui lui étaient confiées au gouvernement.
Corinne Lepage était dans la société civile et a eu la chance d’arriver à un moment où Jacques Chirac et Alain Juppé « cherchaient des femmes de la société civile et c’est à ce titre que j’ai été remarquée. Après un long entretien avec Alain Juppé, il m’a proposé d’entrer dans son gouvernement ». Lors de sa nomination comme ministre, elle avoue « avoir trouvé ça tellement surprenant, que j’étais vraiment stupéfaite et puis j’ai très vite accepté le principe ». Le Premier ministre lui avait promis de la recontacter dans la semaine où avait eu lieu leur entretien, il l’a finalement prévenue dès le lendemain, raconte la co-présidente de Cap-écologie. Corinne Lepage explique que cela peut dépendre selon son portefeuille ministériel, mais deux grosses fonctions prédominent lorsque l’on est ministre : administrer une administration, dans son cas c’était celle du ministère de l’Environnement. L’autre fonction est de prendre des décisions pour ses concitoyens.
Il faut « discuter avec les autres ministères puisque les compétences d’un ministre tout seul sont quand même relativement limitées ». Elle ajoute : « beaucoup de décisions se prennent à Matignon après un arbitrage entre plusieurs ministres qui ont des vues différentes sur un même sujet ». Lorsqu’elle était au gouvernement, l'ancienne avocate bénéficiait de ce qu’on appelle un cabinet, « c’est-à-dire une petite équipe, dirigée par un directeur de cabinet qui a pour charge de faire marcher tout le cabinet ». La présidente de Cap-21 ajoute qu’un ministre est également entouré d’un chef de cabinet, qui a pour fonction d’organiser son agenda et ses rendez-vous. S’ajoute à cela des conseillers en fonction des différents domaines de compétence du maroquin.
Des compétences élargies
Lorsqu’elle était à l'Hôtel de Roquelaure : « cela remonte à 25 ans donc le ministère de l’Environnement était à l’époque un petit ministère, une petite administration, mais j’avais disons toutes les compétences de l’environnement » et ajoute : « y compris la santé environnementale puisque j’étais le premier ministre doté de cette compétence, à ma demande évidemment ». Avec Jean-Louis Borloo, ils ont voulu faire un énorme ministère qui a gagné en puissance. Elle estime que le portefeuille est aujourd’hui coupé en deux, avec d’un côté l’Énergie et de l’autre l’Écologie, qui a considérablement rétrogradé. Corinne Lepage semble regretter la place accordée dans le gouvernement actuel au ministre de l’Environnement : « Nicolas Hulot était numéro 2 du gouvernement, ministre d’État, et aujourd’hui la ministre de l’Écologie est 6ème sur le rang protocolaire ». Elle ajoute : « donc c’est quand même une importance bien moindre avec un ministre des Transports, un ministre des Collectivités locales, qui dépendent partiellement d’elle, un secrétaire d’État à l’Écologie, un secrétaire d’État à la Ruralité ». Corinne Lepage poursuit : « je ne sais pas très bien comment tout ça va s’organiser ».
« Il y a des discours qui sont des discours très importants, pour lesquels il faut être extrêmement précis, mais pour beaucoup d’autres je dirais que j’avais seulement une feuille simple »
Plus de liberté quand on n'est plus ministre ? Corinne Lepage est catégorique : « oui bien sûr, moi j’ai toujours considéré que c’était beaucoup de charges, beaucoup de devoirs et aucun droit ». Un conseil des ministres se déroule ainsi : « au temps de Jacques Chirac c’était très formaliste, c’est à dire qu’on ne prenait la parole que lorsqu’on s’était préalablement inscrit. Sauf bien sûr le Premier ministre et le président de la République, qui prennent la parole quand ils ont envie ». « Il y a une première partie qui est consacrée aux projets de lois. Une deuxième partie est consacrée au ministre des Affaires étrangères qui fait un point. Ensuite, il y a des nominations puis vient un dernier point où sont traitées les actions à venir, ou un ministre fait une communication sur la thématique de son choix pour laquelle il souhaiterait voir une évolution ». Les discours sont intimement liés à l’exercice de sa fonction. Pour Corinne Lepage, « c’est un travail partagé entre l’équipe du ministre et le ministre lui-même. Moi je dirais que je ne suis pas très à l’aise avec les discours que je lis, je suis beaucoup plus à l’aise quand je m’adresse aux gens. Peut-être parce que je suis avocate et donc j’ai l’habitude de plaider, de parler et de ne pas lire ce qu’on m’a écrit ». Elle ajoute : « il y a des discours qui sont des discours très importants, pour lesquels il faut être extrêmement précis, mais pour beaucoup d’autres je dirais que j’avais une feuille simple, avec les points essentiels que je voulais traiter et les discours n’étaient pas écrits ». Un député peut aussi porter une loi : « l’essentiel des lois votées par le Parlement sont des projets de lois, les lois proposées par les parlementaires sont extrêmement rares et disons très encadrées ». Le cabinet d’un ministre a une dimension politique. Son administration est organisée avec des directions et donc des directeurs, des sous-directeurs, des chefs de service. « Il y a toute une hiérarchie au sein d’un ministère, cette hiérarchie est mise au service du ministre ». Pour Corinne Lepage, lorsqu’on est ministre il y a des règles évidentes à respecter : de comportement, de probité.
Regardez son interview en vidéo
Photo : DR