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Pour Jean-Luc Mano, Emmanuel Macron a « une communication plutôt par le vide »


Rédigé par Quentin LEPORT

Publié le 25.08.2022


DÉCRYPTAGE/VIDÉO - Jean Luc-Mano est spécialiste de communication politique, il a conseillé de nombreux élus. Pour lui, Emmanuel Macron s'est trompé de stratégie pour les élections législativesCe qui l'a peut-être empêché d'obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale.

Jean-Luc Mano explique que le métier de conseiller en communication « consiste déjà à essayer de comprendre quelles sont les attentes de la personne qu’on accompagne, quels sont ses objectifs ». Il ajoute qu'il « y a bien sûr ses objectifs électoraux, qu’il faut essayer de comprendre, comment à long terme il se positionne de sorte à lui donner des conseils les plus adaptés ». C'est un poste dont « la gamme est assez variée, c’est évidemment travailler sur les options stratégiques, avoir un rôle d’alerte sur des questions émergentes, des questions politiques, sociétales, économiques ou sociales qui vont venir, et puis c’est également préparer l'élu dans le détail aux échéances ». Le conseiller en communication précise que les échéances auxquelles il fait allusion « peuvent être médiatiques, quand ce sont des missions ou des interventions publiques. Elles peuvent être électorales des moments de carrefour de la carrière politique des politiciens ». Jean-Luc Mano estime qu’il y a une différence entre presque chaque conseil, et qu'il faut avoir en tête, en tout cas pour sa part, que c'est juste un conseil : « c’est à dire de ne jamais oublier que la décision appartient au responsable politique et c’est lui qui en toute circonstance en supporte les conséquences ».

L’ancien journaliste est devenu conseiller en communication du fait « d’une petite lassitude du journalisme politique, avec l’idée que j’avais fait assez vite le tour, j’avais commencé jeune, j’avais exercé des postes à responsabilité, chef du service politique, de la politique internationale, directeur de grands médias et donc à un moment donné l’idée c’était d’éviter de devenir schizophrène ». Il poursuit : « les politiques savaient les questions que j’allais leur poser, je savais les réponses qu’ils allaient me faire. À certains moments, je répondais mieux qu’eux, je me suis dit qu’il y avait une zone de danger à éviter ».

Jean-Luc Mano a choisi d’être plutôt dans une logique d’accompagnement avec cette idée « qu’avoir des conseils en communication ça n’est pas trahir pour la personnalité ses orientations ». Il estime qu’au contraire, c’est les rendre plus pertinentes. Il insiste sur le fait que « de la même façon qu’un responsable politique de haut niveau peut avoir un conseiller en matière internationale, en matière économique, en matière sociale, l’avoir en matière de communication dans le rapport à l’opinion ça m’a semblé utile ».

« Il me semble que si le président avait un peu mouillé la chemise dans les derniers jours, un certain nombre de [députés LREM] auraient été élus »

Sur la manière dont Emmanuel Macron a communiqué pendant de l’élection présidentielle, le spécialiste des conseils politiques est tranchant : « il y a une communication assez inédite, c’est à dire qu’il y a une communication plutôt par le vide, et c’est une communication qui pour l’élection présidentielle, considère qu’il n’y a pas matière à aller challenger le projet ou la personnalité puisqu’il a l’avantage ». Jean-Luc Mano estime que c’est quelque chose d’assez commun que celui qui est en tête, qui est favori, évite la confrontation et la limite au maximum. « Je crois que là, ça a été poussé de manière très forte, sans doute excessive, que ça nuit au débat et que ça a, dans une certaine mesure, précarisé le président et le résultat qu’il a obtenu » martèle Jean-Luc Mano.  Il ajoute : « pire encore, pour les législatives où l’équipe du président a été dans l’idée habituelle, certes, confirmée historiquement, que le président élu disposait quasi-automatiquement d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale et le choix qui a été fait s’est avéré être un mauvais choix ». Le conseiller en communication ne manque pas de rappeler qu’une quarantaine de candidats de LREM ont été « battus dans le point ». « C’est à dire qu’ils ont été battus entre 49 et 50 %. Il me semble que si le président avait un peu mouillé la chemise dans les derniers jours, un certain nombre de ceux-là auraient été élus » explique t’il.

A l’évocation de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon et surtout en ce qui concerne sa communication, pour Jean-Luc Mano, ce qui a fonctionné lors de cette élection « c’est l’idée de l’alternative, l’idée qu’il peut y avoir un vote de gauche, voire de gauche extrême, qui peut s’avérer utile et crédible. La campagne de Jean-Luc Mélenchon était de bonne qualité et elle était fortement encouragée par le désastre des campagnes des autres candidats de gauche ». Il poursuit : « il faut voir les choses toujours par rapport aux concurrents. Là en l’occurrence, à partir du moment où vous avez un effondrement de la candidate du Parti socialiste qui ne verra jamais le jour, une campagne en demi-teinte du candidat écologiste et une campagne qui n’ira pas à son terme en efficacité du candidat communiste, il y a aussi là un vote Mélenchon en plus du vote d’adhésion. Et ça il le comprend parfaitement bien ». Le conseiller en communication parle même d'un « coup de poker » qui a été joué par le candidat de la France insoumise au moment des élections législatives. Cela a consisté à « essayer de ne pas perdre l’avantage de la mobilisation de ses électeurs, et que Jean-Luc Mélenchon a eu cette idée de lancer la candidature au poste de Premier ministre, ce qui est contraire à toutes les règles, à toutes les institutions de notre vie démocratique ». Pour ce faire, l'ancien journaliste de TF1 explique que l’ex-député a lancé sa candidature et cette mobilisation. Il a réussi le rassemblement de cette gauche sous l’autorité de l’extrême-gauche. « Il a réussi le rassemblement de la gauche modérée, de la gauche démocratique, de gouvernement. Ça c’est un exploit et il l'a fait grâce à l’immense faiblesse du Parti socialiste, des écologistes et des communistes dans cette bataille qui de toute façon n’ont pas le choix, soit de s’allier avec Mélenchon, soit de disparaître », termine Jean-Luc Mano.

Regardez son interview en vidéo

Photo : DR


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