Eric Fallourd : « aucun député ne peut être poursuivi devant les tribunaux pour des propos qu’il a tenu à l’Assemblée nationale »

Rédigé par Quentin LEPORT
Publié le 17.08.2022
INTERVIEW/VIDÉO - Ancien directeur de cabinet de François de Rugy lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, Eric Fallourd connait ce rôle et les dessous de l’Assemblée nationale par coeur. Le président ne fait d’ailleurs pas la loi au Palais Bourbon, il est « placé sous la responsabilité du règlement », « qu’il doit respecter et faire respecter ».
Eric Fallourd est devenu directeur du cabinet du président de l’Assemblée nationale à la demande de ce dernier. Il ajoute : « on le devient généralement post-élection, et ce qu’il faut comprendre c’est que le président de l’Assemblée nationale a un rôle un peu particulier dans nos institutions, explique t'il. On pense souvent que son rôle se limite à présider les séances mais d’abord il ne préside pas toutes les séances. Il y a des vice-présidents qui l’aident dans ce travail. Le président ne fait pas que cela, il préside l’institution, s’assure que l’Assemblée fonctionne dans des conditions acceptables et dans des conditions qui sont fixées par le règlement de cette institution ». François de Rugy, dont Eric Fallourd a eu à diriger le cabinet, a aussi eu un rôle de représentation du Parlement : « il est le quatrième personnage de l’Etat, et il a un rôle de représentation sur le plan international ». Fonction assez méconnue dans les multiples rouages qui permettent le fonctionnement de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale est à la tête d’un des éléments qui composent ce qu’on appelle, une démocratie parlementaire, et l’Assemblée nationale a des relations avec les pays démocratiques et les pays non-démocratiques. Bien renseigné sur la fonction de président de l’Assemblée nationale, l’ancien directeur de cabinet de François de Rugy explique que « tout député peut se présenter à la présidence de l’Assemblée nationale ». Il précise, « l’Assemblée nationale est constituée de groupes politiques et les groupes politiques désignent leur candidat à la présidence et ensuite c’est un scrutin à bulletin secret ». Pour ce faire, « les députés montent les uns après les autres à la tribune pour déposer leur bulletin dans l’urne. Ensuite, les bulletins sont dépouillés ». Est élu au premier tour celui qui a obtenu la majorité absolue. Au deuxième tour, il en va de même que pour le premier tour. Au troisième tour c’est celui qui arrive en tête. Eric Fallourd rappelle que l’ancien ministre et ancien président de l’Assemblée nationale François de Rugy avait été élu dès le premier tour.
« Souvent les gens disent que les séances de débats, quand on les regarde à la télé, ça ressemble à des cours de récréation et que le président est trop coulant »
L’ancien directeur de cabinet éclaire sur le règlement de l’Assemblée nationale en vigueur pour tous les députés. « Il s’impose à tous et le rôle principal de l’Assemblée nationale c’est de la faire respecter » dit-il. « Ce règlement par exemple, dit comment doivent être répartis les postes en fonction de la taille des différents groupes et c’est au terme de ce règlement que tel ou tel groupe a droit à tant de présidents ou tant de secrétaires au sein du bureau ». Il ajoute : « le règlement de l’Assemblée nationale, le président en est à la fois le garant ultime mais est aussi placé sous la responsabilité du règlement. En tout cas il doit respecter le règlement et le faire respecter ». Eric Fallourd rappelle que tout président de séance a un pouvoir disciplinaire sur les débats. « souvent les gens disent que les séances de débats, quand on les regarde à la télé, ça ressemble à des cours de récréation et que le président est trop coulant avec les députés. Au contraire, quand le président crie, celui-ci est trop dur ». L’ancien directeur de cabinet révèle une règle peu connue dans le pays, qui veut « qu’aucun député ne peut être poursuivi devant les tribunaux pour des propos qu’il a tenu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale pendant des débats ». « C’est la volonté absolue de parole des parlementaires » nous explique Eric Fallourd. Toutefois, il ajoute « qu’il existe des déclarations qui peuvent tomber sous le coup de la loi si un parlementaire les fait sur un plateau de télévision ». « En revanche, lorsqu’il les fait dans l’enceinte, il est couvert par cette liberté absolue des parlementaires donc ça rend le pouvoir des parlementaires plus important ». Le règlement dit clairement comment les parlementaires doivent se comporter.
Au Palais Bourbon, « vous ne pouvez vous exprimer qu’à l’oral, vous ne pouvez pas brandir des choses, vous ne pouvez pas vous déguiser, vous ne pouvez pas faire de chahut lorsque vous arrivez. Si vous arrivez avec par exemple un maillot de foot vous pouvez être sanctionnés, et ces sanctions elles vont du rappel au règlement à l’exclusion de l’Hémicycle » dit Eric Fallourd, fin connaisseur de ce que n’ont pas le droit de faire les députés. Il poursuit : « je n’en ai jamais vu à titre personnel mais ce qu’il faut savoir c’est que le rappel au règlement est inscrit au procès verbal, il donne lieu ensuite à une décision du bureau qui généralement coupe une partie de l’indemnité parlementaire de la personne qui a été ainsi sanctionnée ».
Chaque semaine est différente pour un président de l'Assemblée nationale
Le président de l’Assemblée nationale a normalement exactement les mêmes droits que les autres députés. « Son devoir est d’organiser les débats, donc traditionnellement le président de l’Assemblée nationale n’intervient pas pendant les débats et ne prend pas part au vote ». Il n'y a pas de semaine type pour un président de l’Assemblée nationale puisqu’il y a des semaines qui sont dites « d’initiative parlementaires » et d’autres « d’initiatives gouvernementales ». « Mais ‘grossomodo’, le président de l’Assemblée nationale, en tout cas celui que j’ai connu, le lundi c’est plutôt les questions internes au fonctionnement de l’Assemblée nationale. Mardi vous avez la conférence des présidents, qui réunit les présidents de groupe, les présidents de commissions, le ministre chargé des relations avec le Parlement, et le président qui détermine l’ordre du jour des débats de la semaine à venir ». Éric Fallourd poursuit, « ensuite il n’y en a plus qu’une aujourd’hui, une séance de questions au gouvernement, qui a lieu désormais le mercredi et qui dure deux heures. À l’époque c’était une heure le mardi et le mercredi ». Il ajoute : « vous avez le mercredi matin une réunion de la commission. Alors le président ne participe pas aux commissions, ce sont les députés qui sont répartis dans huit commissions selon les thématiques sur lesquelles ils travaillent, en revanche, vous pouvez avoir des réunions du bureau de l’Assemblée nationale le mercredi matin ». Il y a également beaucoup de travail de représentation de l’Assemblée et beaucoup beaucoup d’invitations, de réceptions, de la part de présidents d’Assemblée étrangers ou de membres de gouvernement.
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Photo : DR