Michèle Victory (PS) : « chez les députés insoumis, il y avait une sorte de compte à régler avec le PS »
Publié le 12.05.2022
INTERVIEW/VIDÉO - L’accord pour les législatives entre le Parti socialiste et La France insoumise est conclu. Une union qui déplait à beaucoup de socialistes. La députée PS Michèle Victory était sur MRG Hits et MRG TV, vendredi 6 mai. Si elle reconnaît la nécessité de cet accord, elle déplore aujourd’hui que son parti ait dû en arriver là.
Face à sa webcam, le visage fermé, Michèle Victory apparaît à l’écran de MRG. Légèrement affalée sur son bureau, la députée PS ne partage visiblement pas l’enthousiasme des élus insoumis qui se succèdent sur les plateaux télé. Le Parti socialiste, pour s’approcher du pouvoir, s’est-il résigné à renier ses convictions ? « Ah oui, vous commencez fort, ironise Michèle Victory en laissant s’échapper quelques rires. Non, je pense que le Parti socialiste est arrivé à un stade où il fallait qu’il poursuive la route et poursuivre la route tout seul, ça paraissait difficile ».
« Je déplore qu’on soit arrivés dans cette situation »
Au sein même du parti, la décision fait grincer des dents. « Je déplore qu’on soit arrivés dans cette situation, soupire Michèle Victory. Je déplore que le PS en soit arrivé à devoir être relativement maltraité dans cet accord et à devoir accepter des exigences de La France insoumise ». La députée reconnaît pourtant que des convergences existent et qu’une collaboration au sein de l’Hémicycle a pu être possible durant ces cinq dernières années. Mais à l’écouter, les divergences semblent difficilement surmontables. « On a travaillé ensemble pendant cinq ans. On a voté énormément de textes avec La France insoumise. On a vu comment, quelques fois, c’était possible et comment, quelques fois, ce n’était pas possible. Il y a une façon de s’exprimer, de respecter les autres et ça n’a pas toujours été facile. Il y a peut-être des torts partagés, reconnait la socialiste, mais on a quand même senti pendant cinq ans que, chez beaucoup de députés insoumis, il y avait une sorte de compte à régler avec le PS. Ils nous renvoient souvent à une position qui n’est pas assez radicale ».
« Une gauche plus forte n’est pas forcément une gauche plus radicale »
Tout le monde au Parti socialiste s’accorde aujourd’hui pour dire qu’il doit changer. Cependant, Michèle Victory ne semble pas d’accord avec le premier secrétaire du parti Olivier Faure sur la nouvelle voie à emprunter. Pour ce dernier, le parti doit retrouver « une forme de radicalité ». Elle fait partie, selon lui, des racines du PS et ce virage serait indispensable pour retrouver une gauche forte. « Une gauche plus forte, oui, mais une gauche plus forte n’est pas forcément une gauche plus radicale, rétorque Michèle Victory. C’est bien là toute la différence entre le PS et les Insoumis. Si on dit radical, explique-t-elle, on pense à rupture et que chacun vie la politique comme il le sent. Je ne pense pas qu’elle soit forcément la bonne solution ».
Si les différences entre socialistes et insoumis sont clairement visibles, les membres du Parti socialiste eux-mêmes semblent incapables de définir clairement leur propre ligne. D’où cet accord, considéré par certains comme un moindre mal, par d’autres comme l’arrêt de mort du PS. « Je n’étais pas dans les négociations », rappelle plusieurs fois la députée au cours de l’interview, laissant entendre qu’elle subit cet accord plus qu’elle ne s’en félicite. « Il y a un vote qui a eu lieu, qui a donné une majorité à cet accord. Bon, rappelle-t-elle, avec des désaccords, avec des doutes ». Si Michèle Victory n’est pas satisfaite de cette union, elle reconnaît qu’un grand nombre d’électeurs la réclamait. C’est « ce qui fait que je peux comprendre pourquoi l’accord a été fait. Les militants et sympathisants nous disent depuis longtemps ‘arrêtez donc de faire les choses chacun dans votre coin et travaillez ensemble !’, c’est une réalité ».
« Jean-Luc Mélenchon est quelqu’un de brillant (...) Mais… »
Jean-Luc Mélenchon ferait-il tout de même un bon Premier ministre ? Placer le leader des Insoumis à Matignon reste l’objectif numéro 1 de cette union historique. Michèle Victory voit en lui « quelqu’un de brillant ». C’est un homme « qui a une culture politique absolument immense, qui a beaucoup d’idées et de qualités. Après, faire un bon Premier ministre ça va dépendre dans quel gouvernement », nuance la députée. « Il a aussi des défauts, une façon d’être qui ne correspond pas du tout à ma manière de faire de la politique ». La socialiste reconnait une certaine admiration, plus pour l’orateur que pour l’homme politique. « J’aimais bien aller l’entendre quand il parlait à la tribune. C’est quelqu’un qui vous emporte un peu dans son discours. Mais c’est quand même quelque fois plus pour le plaisir du texte et de la parole que pour les idées ».
Ex-PS, Manuel Valls et Olivier Dussopt, deux poids, deux mesures
L’ancien Premier ministre de François Hollande, Manuel Valls, est aujourd’hui investi par la majorité pour les législatives. C’est là le signe « qu’il poursuit sur un chemin qui est plus celui de l’ambition personnelle que de la réflexion politique, selon Michèle Victory. À partir du moment où on rejoint la majorité présidentielle on peut difficilement se prétendre comme un homme de gauche ». Des mots durs qu’elle épargne pourtant à son ancien compagnon de route Olivier Dussopt. Michèle Victory est devenue députée socialiste en décembre 2017. Alors suppléante du député socialiste Olivier Dussopt, elle l’a remplacé à l’Assemblée lorsque ce dernier s’est vu proposer un poste de secrétaire d’État par l’Élysée. « C’est assez différent, se justifie-t-elle. Je ne connais pas personnellement Manuel Valls alors que j’ai été la suppléante d’Olivier Dussopt pendant douze ans. Je pense qu’il y a au fond de ce garçon une vraie sincérité, une sorte d’attachement à des valeurs. Quand il est parti en 2017, se souvient la députée, l’idée était de pouvoir défendre, en étant à l’intérieur, un pôle d’idées qui allaient plutôt vers la gauche. Je pense qu’il le pense encore ». Elle reconnait cependant aujourd’hui qu’ « Olivier Dussopt a changé ». « C’est sa propre vie, sa propre conscience et son chemin politique. Moi je ne l’aurais pas fait comme ça, c’est évident. Mais je ne peux pas parler à sa place ».
« Je serai parmi les gens qui ont envie de reconstruire (le Parti socialiste) »
Olivier Dussopt a été investi par la majorité pour les législatives. S’il est effectivement candidat, et conformément à la Constitution, son ancienne suppléante Michèle Victory ne pourra pas se représenter. « Il y a de grandes chances que je ne puisse pas être candidate, soupire l’irréductible socialiste. Il faut que j’ai la confirmation de la candidature d’Olivier Dussopt d’ici quelques jours. Ça réglerait le problème. Je serai vraiment triste que nous perdions cette circonscription. On a énormément travaillé, je serai triste et extrêmement déçue. S’il n’était pas candidat, j’essayerai de gagner avec l’ensemble des forces de gauche ».
Quelle que soit la forme de son engagement futur, Michèle Victory assure qu’elle sera présente. « J’ai été militante à 18 ans, rappelle-t-elle. Je ne vais pas abandonner du jour au lendemain ! Je serai parmi les gens qui ont envie de reconstruire (le Parti socialiste), à essayer de changer la vie. Ça paraît idiot ou prétentieux ou inutile, mais j’ai toujours cru ça. Je n’ai fait de la politique que dans l’espoir, qu’au fur et à mesure, on arrive à changer les choses ».
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Photo : DR