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Démission de Frédéric Mion : pour Sandrine Rousseau, "c'est un moment important pour notre pays"


Publié le 09.02.2021


INTERVIEW - Sandrine Rousseau, candidate à la primaire d'Europe Écologie les Verts, était notre invitée, mardi 9 février. Elle s'est montrée soulagée de la démission du directeur de Sciences Po Paris, Frédéric Mion, à la suite de "l'affaire Olivier Duhamel". 

"La parole très forte de Camille Kouchner a permis de questionner les hommes de pouvoir et leur rapport aux silences et à la vérité". Frédéric Mion, directeur de Sciences-Po Paris, a démissionné de ses fonctions ce mardi 9 février à la suite de "l'Affaire Duhamel". Frédéric Mion connaissait bien Olivier Duhamel. Ce dernier était jusqu'au mois dernier président de la Fondation nationale de sciences politiques. Fondation qui chapeautait la direction de Sciences Po Paris. Olivier Duhamel a démissionné de ses fonctions après la publication du livre La Familia Grande dans lequel sa belle-fille, Camille Kouchner, l'accuse d'avoir violé son frère. Frédéric Mion avait affirmé dans un premier temps être choqué par ces révélations, avant de confesser auprès du Monde qu'il avait été mis au courant en 2019 de ces accusations. Frédéric Mion s'est par la suite justifié, expliquant qu'un proche d'Olivier Duhamel lui avait assuré que ces rumeurs étaient fausses. Sandrine Rousseau qui est également vice-présidente de l'université de Lille, est apparue soulagée par cette décision à notre micro : "Je pense que c'est un moment extrêmement important pour notre pays, aujourd'hui le message que j'envoie : c'est osez parler !". Celle qui est également candidate à la primaire d'EELV pense également que la parole peut se libérer plus facilement dans les prochains mois : « Il y a un effet papillon dans la prise de parole sur les violences sexistes et sexuelles ». 

Du côté des étudiants, la démission de Frédéric Mion est arrivée par surprise. "Il n'a pas du tout envoyé de lettre. Il s'est contenté de poster un message sur le site de Sciences-Po. Si on avait pas eu l'information dans la presse, on ne serait pas au courant" nous explique une étudiante de Sciences-Po. "On est outré". 

SciencesPorcs

Depuis ce mardi 9 février, les étudiantes de Sciences Po dénoncent par le hashtag #SciencesPorcs les violences sexuelles et le harcèlement qu'elles subissent dans leurs établissements. Des comportements sur lesquels la direction des écoles auraient fermé les yeux pendant des années. Sandrine Rousseau, sur notre antenne, a expliqué avoir eu elle-même connaissance de comportements déplacés à l'université de Lille : « Bien sûr qu'il y a eu des étudiants et étudiantes qui sont venus me voir en m'expliquant qu'il y avait des climats, il y avait des soirées, des tournois, des moments qui étaient difficiles ». A Sciences Po Lille, un dispositif a donc été mis en place pour traiter ces situations. Sandrine Rousseau assure qu'auparavant "les situations n’étaient pas gérées ou du moins de manière artisanale". Un manque d'accompagnement des victimes et de sanctions à l'encontre des auteurs toujours d'actualité dans les autres Instituts d'études politique. Sandrine Rousseau assure même que ces comportements ont lieu à Sciences Po "mais aussi  dans toutes les écoles d'ingénieur". La candidate à la primaire d'Europe Ecologie Les Verts félicite "les personnes qui osent témoigner parce que pour être passée par là, je sais que ce n’est pas quelque chose de simple. Chaque prise de parole permet de faire avancer le droit des femmes à disposer de leur corps". 

Retrouvez ci-dessous la lettre transmise par Frédéric Mion aux étudiants de Sciences-Po Paris : 

Chères et Chers Collègues,

Chères Enseignantes, Chers Enseignants,

Chères Étudiantes, Chers Étudiants, 

Depuis près de huit ans que m’a été confiée la responsabilité de diriger Sciences Po, j’ai mis tout mon cœur et toute mon énergie à travailler au développement et au rayonnement de cet établissement que j’aime, au service d’une communauté d’étudiants, de salariés, de chercheurs, d’enseignants et d’anciens pour lesquels j’éprouve une admiration profonde. Je me suis toujours efforcé d’assurer ma mission avec la plus grande exigence. C’est une immense responsabilité, un grand honneur et une grande fierté.

Notre maison traverse, depuis la révélation des faits criminels reprochés à Olivier Duhamel, une période très douloureuse. Depuis ce jour, toutes mes décisions ont été guidées par la volonté de préserver notre établissement, ses salariés, ses enseignants, ses chercheurs et sa communauté étudiante de cette affaire à laquelle ils n’avaient aucune part. 

J’ai jugé en conscience que mon devoir était de ne pas quitter mon poste avant que soit menée à bien l’enquête diligentée, à la demande de la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. 

Le rapport provisoire de cette inspection, qui m’a été adressé ce jour, confirme qu’aucun système de silence concerté ou de complaisance n’a existé au sein de notre établissement. Il ne désigne aucun manquement dans la manière dont l’établissement a traité cette affaire et aucune défaillance dans notre gouvernance. Il souligne le comportement irréprochable de l’équipe de direction qui m’entoure. Il confirme en outre que Sciences Po s’est engagé résolument, sous ma responsabilité, dans la lutte contre toutes les formes de violence sexiste ou sexuelle, et appelle à une meilleure visibilité de la cellule en charge de ces sujets, dont il souligne l’action pionnière. 

C’est là, et de loin, le plus important.

Le rapport pointe toutefois de ma part des erreurs de jugement, dans le traitement des allégations dont j’avais eu communication en 2018, ainsi que des incohérences dans la manière dont je me suis exprimé sur le déroulement de cette affaire après qu’elle a éclaté. Je mesure le trouble qui en résulte et j’en assume l’entière responsabilité.

J'ai trop de considération pour les hommes et les femmes qui servent notre école avec talent et passion pour accepter que leur action puisse être affectée par mes décisions. C’est pourquoi j’ai décidé de présenter ma démission aux membres de nos conseils et à la Ministre de l’enseignement supérieur. J’espère qu’elle permettra le retour à la sérénité si nécessaire au travail de toutes et de tous.

Je veux dire ici à chacune et à chacun mon immense gratitude pour le travail accompli au cours de ces années et les vœux que je forme pour leur réussite et pour celle de Sciences Po. 

Frédéric Mion    

Photo : Manon Blangis / MRG


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