Azadeh Kian : en Iran, « c’est une révolution qui est en marche »

Rédigé par Alexis BRAGARD
Publié le 18.10.2022
INTERVIEW/VIDEO - Depuis le 16 septembre et la mort de Masha Amini, de nombreuses émeutes ont lieu en Iran. La sociologue Azadeh Kian décrypte pour MRG Hits ce mouvement historique au Moyen-Orient. Le résultat selon elle d'un durcissement des lois islamiques dans le pays.
Azadeh Kian voit en ce qu'il se passe en Iran une situtation inédite. Tout part de « l’assassinat de Masha Amini, une jeune femme de 22 ans, arrêtée pour avoir mal porté son voile. C’est une provinciale, d’origine kurde, qui est montée à Téhéran avec sa famille et en sortant du métro a été arrêtée par la police des mœurs, puis embarquée. Malheureusement, elle a reçu 11 coups sur sa tête qui ont provoqué sa mort. » explique-t-elle. Cet assassinat entraîne de nombreux mécontentements chez les femmes et selon la professeure de sociologie à Paris Diderot, ce mouvement « est une révolution qui est en marche puisque la majorité de la population, toutes les générations confondues, mais aussi toutes les classes sociales, rejettent le régime islamique en place contrairement aux années précédentes ». Elle poursuit : « de nombreuses manifestations avaient eu lieu depuis 2009 dans le pays en espérant des changements majeurs. Les derniers grands rassemblements datent de 2019. À l’époque, la population était descendue dans la rue pour s’insurger des prix de l’essence ». La sociologue estime que « cette fois-ci, il semblerait que la population soit pour le changement du régime puisqu’elle ne voit pas de probabilité de réforme ».
Des slogans contre l'ayatollah Khomeini
Pour Azadeh Kian, « la société est très revendicative et très moderne dans son ensemble. Il y a toujours des tensions de plus en plus grandes et on constate qu’effectivement les tenants du pouvoir tentent de s'y cramponner à travers la répression des manifestants, des jeunes ». Au sein de ces différents rassemblements de personnes de plus en plus jeunes, on trouve même des adolescentes, chose inédite dans le pays. De jeunes hommes ont rejoint les manifestations qui dénoncent, selon eux, une société de plus en plus dictatoriale.
La sociologue le rappelle, les slogans dans les manifestations sont nombreux : « ‘mort au dictateur’, c’est-à-dire au guide Khomeini ». Comme ce sont les femmes qui ont initié ce mouvement, « le slogan qui est au centre, c’est ‘femme, vie, liberté’, c’est-à-dire les revendications aussi pour la liberté de choix et également les droits égaux entre les hommes et les femmes ». Ebrahim Raïssi, le président de la République Islamique depuis l’année dernière, a imposé des lois plus strictes. Pour Azadeh Kian la police en est la preuve : « la police des mœurs, depuis au moins l’année dernière, depuis l’arrivée au pouvoir d’un président ultra-conservateur […] a reçu l’ordre ou l’autorisation de réprimer et s'il le faut par tous les moyens. Les femmes qui refusent de respecter ce précepte et Masha en sont victimes et il y en a encore d’autres ».
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Photo : DR