Pierre Louis Paillusseau : « j’aimerais pouvoir permettre aux Mauriciens une ouverture d’esprit »
Publié le 06.12.2021
INTERVIEW - Pierre Louis Paillusseau est metteur en scène, comédien et directeur du PLP Théâtre Académie à l’île Maurice. Pour l’amour de la scène, il veut donner un coup de pouce au monde du théâtre local et faire ressentir des émotions au public.
MRG : Après une première pièce de théâtre, L’amour, toujours ! à l’île Maurice en 2019, vous revoilà sur scène avec Alinéa, prochainement Cendrillon et encore d’autres spectacles. Avez-vous le sentiment de redonner envie aux Mauriciens d’aller au théâtre ?
Pierre Louis Paillusseau : Mon retour à Maurice coïncidait avec la construction du Caudan Arts Centre à Port-Louis. J’ai été contacté quand j’étais à Paris par les gérants de ce théâtre pour voir ce qu’on pouvait faire en parallèle. C’est la raison pour laquelle je suis revenu. J’avais la certitude, entre guillemets, d’avoir un lieu où je pourrai m’exprimer et où je pourrai monter mon école de théâtre, le PLP Théâtre Académie. Malheureusement, les théâtres qui étaient en place auparavant ne permettaient pas de faire ce qu’on arrive à faire aujourd’hui.
Puis, la réussite de L’amour, toujours !, m’a ouvert beaucoup de portes. En tant que metteur en scène, acteur, danseur, directeur artistique et Dj. Je trouve que cette année a été exceptionnelle puisque tous les projets qui devaient être faits avant les confinements sont arrivés en même temps, en cette fin d’année. Je me suis retrouvé avec sept spectacles différents.
On en a déjà fait trois. Il m’en reste quatre… J’écris aussi. Alinéa est la première pièce enfant que j’ai écrite. Je réadapte aussi, Grand-Mama, une BD, pour l’Institut Français de Maurice. Ces créations me permettent de ne pas rester dans la même chose. Cela me permet de me lever le matin avec le sourire… Il est clair et net que j’ai envie de redonner envie aux Mauriciens d’aller au théâtre.
Pourquoi le public devrait voir vos spectacles ?
Je pense que je m’adapte au public. J’essaie toujours de faire des spectacles pour tout public. On l’a vu dans Roméo et Juliette ou presque. C’était une pièce bollywoodienne. Le but, c’était de toucher les amateurs de Bollywood. Quant à Flirt avec un ring, c’était une pièce pour un public qui aime la comédie noire et le drame. Sur Alinéa, on est sur un public enfant. C’en est de même pour Grand-Mama.
Pourquoi choisissez-vous Maurice pour monter vos productions ?
Tout simplement parce que je vis ici. Je suis Français. Je suis arrivé à Maurice lorsque j’avais neuf ans. C’est ici que j’ai rencontré mes premiers amis d’enfance car avant de m’y installer, j’ai beaucoup voyagé. J’ai été au Maroc, à Gambie, à Sierra Leone, en Égypte, dans le Sud de la France. On est toujours restés peu de temps.
C’est aussi à Maurice que j’ai découvert la danse. À partir de là, j’ai découvert le théâtre et le cinéma. J’ai toujours voulu revenir ici pour permettre également aux jeunes talents de faire un an de cours avec moi pour ensuite participer à des représentations au Caudan Arts Centre.
Il y a toute une envie de faire évoluer l’art de la scène. Je veux permettre aux jeunes comédiens d’être payés.
Pour le metteur en scène que vous êtes, est-ce que Maurice constitue un public moins exigeant que celui de Paris ?
Je ne pense pas, puisqu’on a encore parfois des difficultés à remplir les salles. La communication à Maurice est extrêmement difficile. Les Mauriciens sont exigeants. Cela vient aussi de la qualité des spectacles qui sont proposés.
MRG : Quelles sont les satisfactions et les contraintes que vous avez éprouvées en créant vos créations scéniques ?
Pierre Louis Paillusseau : C’est de vivre de ma passion, de pouvoir partager mes envies, mes idées et mes folies. C’est assez magique. Je ne me sens pas du tout freiné dans mes créations. Maintenant, le fait de remplir les salles me frustre. Avant deux ou trois jours de la date de la représentation, on peut avoir moins de 50 % de la salle remplie. Les choses se font un peu au dernier moment.
C’est frustrant parce qu’il y a énormément de travail derrière un projet. À Maurice, un spectacle ne se joue pas plus de trois/quatre dates. À Paris, c’est 90 dates. Mais j’y crois. Je constate que ceux qui viennent, repartent contents.
Selon vous, comment avance l’île sur le plan culturel ?
De mon point de vue, c’est le privé qui fait avancer les choses. La preuve, le théâtre a été financé à 100 % par le privé même si le public essaie d’être présent et propose des choses.
Le gouvernement, par rapport aux nouvelles restrictions qui ont été faites, a permis à ce que le théâtre reste ouvert à 50 % de sa capacité. C’est une chance pour nous. Avant cela, on était fermé. Avec tous les nouveaux variants, on ne sait pas trop ce que le gouvernement va décider… Mais la bouffée d’oxygène, on l’a maintenant. On a des spectacles qui se jouent.
En tant qu’homme de théâtre, que voudriez-vous dire aux Mauriciens ?
J’aimerais pouvoir permettre aux Mauriciens une ouverture d’esprit avec beaucoup d’amour. Je ne suis pas là pour donner des leçons. J’ai envie que les Mauriciens viennent au théâtre pour voir des situations qu’ils n’ont pas vécu et qu’ils vivront peut-être plus tard. Je veux également leur permettre d’avoir une réflexion sur leur vie personnelle.
Propos recueillis par Rachelle Veerasamy.
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